L’Europe refuse-t-elle vraiment d’investir en Afrique ? [1]

Un certain discours voudrait que l'Europe, la France... auraient renoncé à investir en Afrique et qu'une « invasion » de l'Afrique par la Chine en serait la conséquence directe. Les données présentées ici tendent à montrer que cette vision – reprise en antienne même par des universitaires renommés – doit être considérablement relativisée.


Les tableaux et graphes suivants ont été réalisés à partir des données disponibles sur le site d’Eurostat à http://ec.europa.eu/eurostat/data/database dans le tableau [bop_fdi_main] après avoir été confrontées à celles provenant de la CNUCED et du MOFCOM .

Les données relatives à l’investissement direct à l’étranger (IDE) accessibles sur le site d’Eurostat ne sont disponibles que pour les années de 2003 à 2012, et ce malgré des mises à jour dont les dernières remonteraient à novembre 2017. La difficulté à réunir des données en ce domaine est ainsi clairement avérée, et ce d’autant plus qu’aucun système de gestion centralisée à l’instar du chinois ne facilite la collecte de ces données. Les risques de sous-évaluations par Eurostat sont donc vraisemblablement encore plus grands que ceux rencontrés par le MOFCOM même si les facteurs de distorsion sont à la base identiques. Que nous enseignent ces données ?


Dans de billet, nous raisonnons uniquement en termes de stocks d’IDE, c'est-à-dire la somme des flux annuels actualisés et déduction faite des amortissements.


Le premier tableau montre l’évolution de 2003 à 2012 des stocks d’IDE détenus par différentes économies. Comme nous nous y attendions, nous constatons la percée de l’investissement chinois, mais nous observons aussi que l’Afrique n’a pas été négligée ni par l’investissement venu du reste du Monde (augmentation du stock de +183% en dix ans), ni par celui venu de l'Union européenne (+162%), ni même par celui venu de France (+312%). En 2012, le stock d’investissements de l'Union européenne en Afrique représente treize fois le chinois, mais le français, seulement trois fois.

Cette situation est également mise en évidence par le graphique suivant :

Le second tableau montre l’importance des stocks d’investissement détenus à travers le monde, en 2012, par l'Union européenne, la France et la Chine en fonction de leur destination. L’Union européenne à 28 s’est constitué un stock d’investissement dans le monde qui est trente fois plus important que le stock constitué par la Chine, mais la place de l’Afrique y est très relativement faible. Relativement à son stock total d’investissements détenus à l’étranger, le stock africain détenu par l'Union européenne n’est que de 1,8% tandis que celui de la France s’élève à 4,6% et celui de la Chine à 4,1%. Autrement dit, il serait fallacieux de nier et la volonté de la France et celle de la Chine de s’implanter en Afrique. Nous notons aussi que l'Union européenne et la France ont constitué chacune les deux tiers de leur stock d’investissement dans des pays européens (au sens large), ce qui rappelle que la Chine consacre une proportion identique aux pays d’Asie.

Le troisième tableau liste un certain nombre d’économies et de pays en fonction de l’importance de leur stock d’investissement en Afrique en 2012. L’Union européenne à 28 arrive très largement en tête en détenant près de la moitié du stock d’investissement étranger en Afrique. Individuellement, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France sont à quasi-égalité et détiennent à eux trois près de 30% du stock d’IDE. La Chine arrive à la quatrième place en détenant  en 2012 un peu plus de 3% du stock d’IDE des pays africains.

 


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