The Backchannel: State Capture and Bribery in Congo’s Deal of the Century
The Sentry, novembre 2021
Synthèse :
Lorsque la China Railway Group et Sinohydro, deux des plus grandes entreprises de construction chinoises, se sont engagées il y a plus d’une décennie à reconstruire et à développer l’infrastructure de la République démocratique du Congo (RDC) en échange d’une part non négligeable des richesses minérales du pays, elles ont fait un pari extrêmement risqué. Ce projet de plusieurs milliards de dollars, que les médias ont qualifié de « contrat du siècle », était à la hauteur des ambitions politiques en plein essor du président Joseph Kabila et des besoins pressants de la nation en matière de routes, de voies ferrées et d’hôpitaux. Toutefois, la réussite du projet était loin d’être garantie.
La plus grande fuite de données de l’histoire de l’Afrique, obtenues par la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) et Mediapart puis partagée avec The Sentry par la PPLAAF et le réseau European Investigative Collaborations, révèle que ces entreprises publiques chinoises avaient des tours dans leur sac après tout : une société écran, un intermédiaire habile doté d’un réseau de sociétés et la BGFIBank RDC. Ce trésor de transactions et autres dossiers bancaires confidentiels surnommé « Congo Hold-up » révèle que des entreprises publiques ont utilisé un intermédiaire possédant des comptes dans la banque dirigée par le frère du président pour verser des dizaines de millions de dollars dans les poches de la famille Kabila, de ses associés et de sociétés à des moments critiques pour les « accords de Sicomines ».
L’enquête menée par The Sentry a identifié des preuves manifestes de corruption, démontrant que les sociétés chinoises étaient de connivence avec des acteurs puissants en RDC pour accéder à des milliards de dollars de ressources naturelles — le tout avec l’aide de la haute finance mondiale. Ce qui devait être un investissement historique dans le potentiel de la RDC qui penserait les plaies infligées par des décennies de mauvaise gestion et plusieurs guerres successives a en fait desservi un autre objectif bien trop répandu parmi les pays tributaires des ressources naturelles : remplir les poches des personnes puissantes avec les richesses ensevelies sous les pieds du peuple démuni.
Les dossiers divulgués montrent que la société écran qui se trouvait au cœur du stratagème — la Congo Construction Company (CCC) — a reçu 55 millions de dollars depuis des sources étrangères ; ces fonds étaient apparemment destinés à M. Kabila et son entourage. Le flux d’argent n’a fait que s’intensifier à mesure que M. Kabila se rapprochait de la fin de son dernier mandat constitutionnel à la présidence. Au cours d’une période de trois mois en 2016, le projet minier Sicomines a transféré 25 millions de dollars à la CCC, qui a ensuite effectué des virements à la famille Kabila, à leurs intermédiaires et à leurs partenaires commerciaux. Ces fonds ont transité par le système financier international, passant par des institutions financières importantes telles que la Citibank et la Commerzbank, en provenance et à destination d’un pays ravagé par la corruption, le tout sous de faux prétextes et avec peu ou aucune documentation à l’appui. Le rôle de la CCC présente toutes les caractéristiques d’un système de corruption de grande ampleur lié au contrat Sicomines.
Lorsque le contrôle de la famille Kabila sur la banque prit fin, les cadres supérieurs de la banque ont eu affaire à un auditeur interne tenace qui les a accusés de blanchiment d’argent, en montrant du doigt des opérations financières qui comportaient des indications préoccupantes de falsification et de fraude. L’auditeur a accusé les cadres de bloquer ses demandes et, de manière plus générale, d’opérer « dans un autre monde ».
C’est le peuple congolais qui détient les droits sur de nombreux gisements de minerais stratégiques qui alimentent la dernière vague d’industrialisation mondiale, enrichissant les sociétés minières, les ingénieurs et les industriels tout en bénéficiant immensément les consommateurs finaux de véhicules électriques, de téléphones cellulaires et d’ordinateurs portables. Et pourtant, la clique dirigeante des Kabilas s’est emparée des institutions qui étaient censées représenter l’ensemble des intérêts du peuple congolais. Ces mêmes individus se sont également emparés de l’élément crucial qui leur permettrait de sécuriser leurs gains mal acquis : une banque. Bien que Kabila ait œuvré pour convaincre les électeurs congolais de l’utilité d’un projet sino-congolais qui les bénéficierait principalement, qui moderniserait leur pays et qui les libéreraient de la pauvreté, ces événements ont également perpétué un système qui prive le public d’une administration efficace et honnête de son extraordinaire richesse, reporte l’espoir de transparence de la RDC et pèse sur son rétablissement tant attendu.
Aucune des sociétés impliquées dans le contrat de minerais pour infrastructure n’a répondu aux demandes de commentaires, tout comme le président Joseph Kabila et les membres de sa famille. De plus, la banque qui occupe une position centrale dans cette fuite — la BGFIBank RDC — n’a pas répondu à des questions détaillées concernant les sujets décrits dans ce rapport.
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