Déchiffrage de Christian Bret à propos de China to Commence Rolling Stock Production in Nigeria .

  1. ​Les Nigérians se réfèrent un accord « verbal » de l’industriel chinois (CCECC[note] qui est un génie civiliste ensemblier) visant à la fabrication sur site au Nigéria de locomotives, voitures à voyageurs et wagons de marchandises pour un montant représentant 15% de la commande d’origine de ces matériels roulants.
  2. Les interlocuteurs chinois auraient indiqué que la réalisation de cet accord se concrétiserait par l’assemblage au Nigéria de 100% des wagons commandés (cet assemblage s’entend de pièces fabriquées en Chine et transportées au Nigéria).

« we can start with wagon and do 100 per cent assembly in Nigeria for the first five years »

  1. Après 5 ans, l’industriel chinois construirait une usine de fabrication de wagons (ce qui implique que les pièces et organes ou leur majorité, seraient fabriqués au Nigéria, ce qui suppose cependant que le Nigéria dispose d’installations de fonderie et d’autres usines… Ceci n’est sûrement pas dans le contrat financé par les Chinois. Autant dire que la promesse n’engage que celui qui la croit.
  2. En parallèle, le directeur nigérian se plaint de ne pas encore avoir reçu le premier lot de 10 (sur un total de 64 voitures à voyageurs) commandées, et ne comprend pas ce retard.
  3. Toutefois, il semble qu’il y ait une ou plusieurs difficultés ou retards de paiement, et en outre que le contrat avait prévu des délais d’exécution qui sont dépassés.

Bref, il semble qu’un micmac de retards de paiements et de retards d’exécution du contrat trouble la bonne réalisation du projet. Très vraisemblablement, d’autres problèmes n’auront pas manqué de surgir (dérive des prix et du devis global entraînant l’épuisement de la ligne de crédit, insuffisance de dotation de la part locale par le maître d’ouvrage nigérian…).

Le Nigéria a une réputation bien établie de « gouvernance détestable » : maîtrise d’ouvrage « technique » insuffisante et laxiste, bureaucratie, corruption, défauts d’engagements budgétaires, etc.

Le schéma contractuel de « financement lié » que seules des entreprises chinoises peuvent utiliser, alors que l’État chinois n’impose même pas que soit organisée une concurrence entre entreprises chinoises sur la base d’un cahier des charges élaboré par le maître d’ouvrage nigérian, conduit à des accords de gré à gré « déséquilibrés » où les industriels ensembliers ont la part belle.

Cependant, si la Chine continue de financer dans un pareil environnement (ce que les Occidentaux sont de plus en plus réticents à faire), c’est d’une part qu’elle dispose de réserves de changes considérables (alimentées par la balance de son commerce extérieur) dont l’emploi hors de Chine est moins inflationniste et plus avantageux qu’une affectation totale en Chine et, d’autre part, que ces financements font tourner les usines et aident à résoudre la crise des débouchés qu’une industrie surcapacitaire rencontre sur le marché intérieur. Enfin s’agissant de travaux de génie civil, si la valeur ajoutée n’est pas énorme, le fait que la Chine exporte sa main-d’œuvre nationale en grand nombre et que celle-ci soit payée in fine par les emprunts des pays clients est plus avantageux pour le Trésor public chinois.

Le Nigéria a des ressources pétrolières et gazières abondantes. D’une manière ou d’une autre, ce pays peut et pourra payer. Tel n’est pas le cas de pays comme l’Éthiopie, le Kenya, la Zambie ou le Mozambique, pour lesquels la problématique du piège de la dette est d’une tout autre gravité (ce que la Chine commence à mesurer si j’ai bien compris les messages délivrés lors du 2e Forum sur les nouvelles routes de la soie).


Note C’est-à-dire la China Civil Engineering Construction Corporation qui fut l’entreprise maîtresse d’œuvre pour le TAZARA entre 1970 et 1975.