Organisation africaine des zones économiques (AEZO)
Thierry Pairault

Dans les pages de ce site, j’ai eu l’occasion de m’insurger contre une forme de pensée unique que la Chine tente d’imposer en Afrique : adopter un modèle chinois de zones économiques spéciales qui ne sont en fait que des enclaves chinoises en territoire africain (voir par exemple Des nids pour le phénix : L’Afrique et les zones économiques spéciales « chinoises » . C’est pourquoi j’ai constaté avec intérêt que l’Organisation africaine des zones économiques (OAZE ou en anglais AEZO; http://www.africaeconomiczones.com ) avait tenu mercredi 10 juin 2020 un ouèbinaire, en partenariat avec la Commission de l’Union africaine (CUA), sous le thème Les zones économiques en Afrique face à la crise du Covid-19. Je note immédiatement qu’il s’agit d’une initiative africaine, plus précisément cette organisation a été fondée en novembre 2015 par le Groupe Tanger Med. Or, nos travaux nous avaient montré à quel point la logique de la zone économique spéciale de Tanger était différente de celles que la Chine entendait patronner en Afrique. Voici ce que nous en disions :

Ces zones chinoises dites de coopération économique et commerciale à l’étranger (ZCECE) sont une incarnation très particulière des zones économiques spéciales (ZES) en ce sens que leur logique est inversée. Dans les deux cas, il s’agit de procurer des avantages fiscaux et autres à des investisseurs qui sinon s’abstiendraient. Mais si une ZES, au sens le plus classique, est une enclave organisée par le pays hôte sur son propre territoire pour attirer des investisseurs étrangers, il n’en est pas de même d’une ZCECE. Cette dernière est une enclave organisée par une entreprise chinoise désignée par la Chine pour organiser sur le territoire d’un pays tiers une enclave soumise de fait au droit chinois.

Le projet de cette association fait particulièrement sens quand il est regardé dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine. En ouvrant un grand marché, il se crée alors un environnement qui rappelle, non celui que la Chine propose à ses partenaires africains, mais celui que la Chine avait instauré sur son propre territoire à partir des années 1980-1990. Les avantages et les inconvénients pourraient être les mêmes bien que l’environnement économique mondial ait considérablement évolué depuis. Le risque évident est de lier le développement économique et social de l'Afrique à celui des marchés extérieurs à commencer par ceux des pays développés. Alors que la Chine essaye avec grande difficulté depuis le début des années 2000 de s’affranchir de ce modèle, la seule solution qu’elle puisse effectivement mettre en œuvre pour lutter contre la récession résultant de la crise sanitaire est de tenter de relancer ses exportations et donc de confirmer sa dépendance.