Minerais et métaux africains exportés à la Chine : vue d’ensemble
Thierry Pairault

Il y avait longtemps que je pensais regarder de plus près les statistiques d’exportations africaines de minerais et de métaux. C’est la rédaction peu claire d’un rapport chinois sur les échanges commerciaux de l'Afrique – en particulier quand il évoque les minerais et les métaux – qui m’a poussé à franchir le pas et à rédiger cette note.

Par « minerais et métaux », j’entends quatre catégories et deux sous catégories de la classification type pour le commerce international de la CNUCED : CTCI 27 + 28 + 67 + 68 + 667 + 971. Je donne la liste des 32 produits retenus dans un fichier Excel téléchargeable ici .

Je me suis en premier lieu intéressé à l’évolution des destinations de ces exportations africaines de 2000 à 2018 en exploitant la base de données de la CNUCED. Pour ce faire j’ai retenu les sept pays du Groupe des sept pays tenus pour les plus grandes puissances économiques du monde (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), je les ai considérés à la fois individuellement et en groupe. J’ai retenu aussi l’Union européenne à 28 prise globalement et, bien entendu, la Chine. Dans le graphique ci-dessous, qui montre une évolution remarquable, ces pays et groupements de pays ont été classés par ordre décroissant de leurs importations de minerais et métaux africains en 2000. La Chine démarre très bas en 2000 : ses importations de minerais et métaux sont alors équivalentes à 4,4% des importations de ces mêmes marchandises par les pays du G7, ou encore 5,1% de celles des pays de l’Union européenne (à 28). Tous les pays du G7, à l’exception du Canada, sont encore cette année-là les meilleurs clients de l’Afrique pour cette catégorie de produits. Puis, les années suivantes, la Chine voit ses importations de minerais et de métaux croître au rythme de 41,4% par an entre 2000 et 2011 à telle enseigne qu’elle joue à partir de 2010 à égalité avec l’ensemble des pays du G7 ou de ceux de l’Union européenne. Il s’agit donc d’une situation nouvelle qui, précisément pour cette raison, inquiète les « partenaires traditionnels » de l'Afrique en même temps qu’elle peut enchanter certains pays africains – les pays producteurs de ces minerais et métaux – du moins tant que les cours des matières premières ne s’inversent pas et que la demande des pays riches reste stable.

Minerais, métaux, pierres précieuses et or à usage non monétaire (2000-2018)

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La question qui se pose alors est d’apprécier dans quelle mesure chacun des deux partenaires (Chine et Afrique) est dépendant de l’autre, la première pour ses approvisionnements, la seconde pour ses débouchés. Le tableau ci-dessous distingue 32 catégories de produits et montre des situations très variables : les cellules à fond vert et à chiffres noirs signalent des valeurs comprises entre 5 et 10% ; celles à fond rouge et chiffres blancs signalent des valeurs supérieures à 10%.

Exportations africaines à la Chine de minerais, métaux, pierres précieuses et or à usage non monétaire (2018)

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D’une manière générale, la Chine apparaît comme très dépendante de ses approvisionnements extérieurs (Afrique et hors Afrique) pour certains minerais et métaux : 63,2% pour le minerai de fer, 49,5% pour ceux d’uranium et de thorium, 49,0% pour celui de cuivre, 31% pour celui de nickel, 24,0% pour le cuivre affiné, 17,4% pour l’or… Toutefois, cette dépendance à des fournisseurs étrangers pèse d’un poids très différent dans le total des importations de minerais et métaux : les importations de minerais de fer représentent en valeur 23,6% du total, l’or 22,0%, le minerai de cuivre 13,0% et le cuivre affiné 12,5%.

La dépendance de la Chine à l’égard de la seule l’Afrique est aussi très variable. Ainsi, 97,6% des importations chinoises d’uranium et de thorium viennent d’Afrique (92,8% de Namibie, 7,1% du Niger et 0,1% du Nigéria), mais dont la valeur n’est que de 1,9% des importations chinoises de minerais et métaux en provenance d’Afrique. Mais encore, 39,6% pour le minerai d’aluminium, 18,1% pour phosphates (engrais bruts dans la terminologie de la CNUCED). La rubrique « Minerais de métaux communs et concentrés » cèle des métaux stratégiques (titane, chrome, cobalt…) et des terres rares que la Chine importe d’Afrique pour 43,8%, dont près des trois quarts d’Afrique du Sud.

La dépendance du fournisseur – l'Afrique – à son client – la Chine – est plus certainement la dépendance de certains pays africains à la Chine, car tous n’exportent pas du minerai de fer, du cuivre affiné ou des métaux stratégiques et des terres rares – respectivement 21,8%, 20,8% et 34,1% de la valeur des exportations africaines de minerais et métaux à la Chine, soit au total 76,7% pour ces seuls trois postes qui représentent plus du quart (25,9%) des exportations totales de l'Afrique à la Chine en 2018 (62,3% étant des combustibles et le solde étant à égalité composé de produits alimentaires et d’articles manufacturés). Il est donc important d’affiner l’approche en considérant individuellement les pays pour chaque catégorie de produit. comme nous le faisons dans la série d'articles suivants :


Voir aussi :


Télécharger les données statistiques ici : https://pairault.fr/sinaf/doc/mm18.xlsx