Dettes africaines et créances chinoises. Donner du sens à un conflit
Thierry Pairault
Annuaire français de relations internationales, 2024, p. 263-277

Voir à https://doi.org/10.3917/epas.ferna.2024.01.0263

Résumé

La Chine, nous dit-on, se serait lancée dans une diplomatie de l’endettement et aurait tendu un piège dans lequel seraient tombés les pays en développement – soit une « debt-trap diplomacy » pour citer Brahma Chellaney. Cette vision a fait florès au sein de l’administration Trump, qui l’a ipso facto constituée en une vérité acceptée, à défaut d’être avérée. Cette interprétation purement politique est encouragée par la difficulté à évaluer l’endettement des pays en développement à l’égard de la Chine, difficulté résultant tant du flou des données statistiques que des interprétations approximatives et de la terminologie jargonnesque employée. Alors que la Banque mondiale commence à diffuser plus systématiquement des données statistiques apparemment fiables, autorisant donc une réflexion plus nuancée et moins politique, la Chine les instrumentalise à son tour et politise son discours en revendiquant une désoccidentalisation de la gouvernance mondiale.

Abstract

African debts and Chinese receivables. Making sense of a conflict. China, it is argued, has embarked on a debt diplomacy, and has set a trap for developing countries to fall into – a “debt-trap diplomacy” to quote Brahma Chellaney. This vision has been widely adopted by the Trump administration, which has ipso facto made it an accepted truth even if it is not proven. This purely political interpretation is supported by the difficulty of assessing the indebtedness of developing countries to China, a difficulty resulting from the vagueness of the statistical data, the ambiguous interpretations and the terminological jargon used. And while the World Bank is beginning to disseminate apparently reliable statistical data more systematically, thus allowing for more nuanced and less political reflection, China is in turn instrumentalizing them and politicizing its discourse by claiming a de-Westernization of global governance.