Présentation de l'ouvrage d'Éric Nguyen : Les relations Chine-Afrique : l'empire du Milieu à la conquête du continent noir, Levallois-Perret, Studyrama,  2009, 141 p.
par Raphaël Rossignol

L'ouvrage d'Éric Nguyen propose un point de vue embrassant autant que possible la multitude des aspects gouvernant les relations entre la Chine et les pays africains. Malgré son format (132 p. sans la bibliographie, 141 p. avec), ce livre laisse peu de choses de côté, même s'il est parfois obligé de résumer certains points pour en développer plus largement d'autres. Cet ouvrage offre ainsi une perspective qui, outre les aspects économiques et politiques des relations sino-africaines, en inclut également les aspects sociaux et humains. De plus, Éric Nguyen introduit son sujet par un rappel historique plus étoffé que ceux rencontrés dans de nombreux autres ouvrages consacrés au même sujet.

Cet ouvrage est publié à un moment où l'accroissement de l'activité diplomatique chinoise dans le monde entier suscite l'apparition de nombreux travaux de recherche. Le thème des relations sino-africaines en particulier donne lieu à des publications souvent très documentées, mais dont la profusion empêche d'une part de se faire une représentation globale des enjeux, des réussites et des difficultés rencontrées par la Chine, et d'autre part de séparer l'analyse des faits (parfois obscurs) et des opinions personnelles des auteurs. L'importance économique et politique pour les pays occidentaux de leurs liens avec les pays africains favorise également les erreurs d'appréciation concernant les forces et les succès chinois. Les idées reçues véhiculées par les média peuvent fausser les interprétations des lecteurs non familiarisés avec ce champ de recherche en biaisant leur lecture des travaux susmentionnés. L'ouvrage d'Éric Nguyen, par sa présentation simple, claire et pourtant assez complète pour son format permettra certainement d'aller contre cette tendance. Le livre est divisé en sept parties, que l’on va présenter successivement.

La présence ancienne de la Chine en Afrique

La première partie offre un aperçu historique qui contrairement à nombre d'autres rappels historiques sur ce sujet, constitue une véritable introduction au reste du livre. En effet, l’auteur ne se contente pas de rappeler l'ancienneté de la présence chinoise en Afrique, mais en explique les limites. Certes, la Chine a eu des relations avec l'Afrique depuis le XVe siècle grâce aux expéditions de l'amiral Zheng He. Certes, ces relations ne se sont pas conclues par une colonisation du territoire africain. Mais dans l'esprit des explorateurs chinois, les cadeaux offerts par les chefs africains étaient considérés comme des tributs versés par des dignitaires étrangers au Fils du Ciel. Des présents offerts à des étrangers étaient considérés comme signe de reconnaissance de l'autorité de l'empereur chinois. Même sans colonisation, les expéditions de Zheng He sont loin d'être les prémices d'une relation d'égal à égal avec les peuples africains. Du reste, il est excessif d'en déduire que les relations sino-africaines aient été réellement établies au XVsiècle, puisque ces expéditions prendront fin à la mort de Zheng He, et qu'il faudra attendre la Guerre Froide pour que celles-ci apparaissent vraiment.

À l'époque de Mao, et après le divorce entre la Chine et l'URSS, la République populaire se trouve dans une position précaire : n'ayant toujours pas obtenu de reconnaissance officielle aux Nations Unies, elle se trouve de plus en concurrence avec son ancien allié pour prendre la tête du communisme mondial. Les relations de la Chine avec chaque pays africain sera ainsi dictée principalement par deux objectifs, le premier étant de se faire des alliés parmi les nouveaux États africains dont le nombre ne cesse de croître à l'ONU et de bénéficier de leur soutien pour remplacer Taiwan au Conseil de sécurité, le second étant de faire valoir sa voie vers le communisme auprès des pays du Tiers-Monde afin de contrer le "révisionnisme" soviétique. Malgré tout, la Chine n'aura pas su bénéficier de son double statut de représentant du Tiers-Monde et de pays socialiste, l'URSS demeurant la seule grande puissance socialiste. Aussi, la diplomatie chinoise en Afrique connaîtra peu de succès, car même ses plus proches alliés (Guinée, Mali, Ghana, Somalie entre autres) affichent leurs désaccords avec Pékin sur les questions de la prolifération nucléaire, déclarent que le marxisme est étranger à l'esprit de leur peuple, et refusent dans souvent de s'aliéner le soutien soviétique au profit des Chinois. Les ingérences chinoises dans les affaires intérieures de certains de ses alliés (soutien à des mouvements rebelles) ou l'aide militaire accordée simultanément à des factions rivales (soutien du FLNA, du MPLAet de l'UNITA pendant la guerre civile angolaise) achève de décrédibiliser la Chine auprès de ses partenaires. Si les liens établis à cette période serviront plus tard, leurs résultats décevant témoignent du manque d'attrait de la Chine maoïste pour les gouvernements africains de l'époque.

Après une décennie de relations très ténues sous l'ère de Deng Xiaoping, préférant se concentrer sur la réforme de l'économie domestique chinoise, les années 1990 voient une nouvelle Chine faire son retour en Afrique. Aux relations fondées sur le combat politique succèdent celles fondées sur les partenariats économiques; la Chine a besoin de certaines ressources africaines pour poursuivre la modernisation de son économie.

La Chine en quête d'hydrocarbures, minerais et autres matières premières

Éric Nguyen aborde dans la deuxième partie deux thèmes classiques des recherches sur les relations sino-africaines que sont la quête des matières premières et le commerce. Il le fait cependant en mentionnant certains points qui ouvrent à des perspectives bien plus vastes, notamment lorsqu'il fait mention des bases chinoises ("le collier de perles") pour sécuriser le transport du pétrole de l'Afrique vers la Chine, ou encore du commerce d'armes.

Le soutien de la croissance chinoise repose sur ses industries manufacturières dont la production est essentiellement (60%) destinée à l'exportation. Celles-ci consomment tant d'énergie que la Chine serait contrainte en 2010 d'importer 55% de son pétrole. L'Afrique, dont les réserves sont estimées à 9,5% des réserves mondiales, et dont le pétrole est de bonne qualité, joue ainsi un rôle important pour l'approvisionnement de la Chine. Cependant, s'appuyant sur l'étude d'Erica Downs (Facts And Fictions Of Sino-African Energy Relations), il rapporte que la place actuelle de la Chine en Afrique pour la production de pétrole est encore assez petite, puisqu'elle est obligée d'en acheter la majeure partie sur le marché au lieu de le produire elle-même.

Outre le pétrole, la Chine est également en quête de minerais de toutes natures, mais aussi de bois tropicaux et de matières premières agricoles (principalement de coton).

L'Afrique : un marché pour les Chinois

L'auteur s'étend peu sur le commerce classique; il note que la Chine ne se contente pas d'exporter des biens à faible valeur ajoutée, mais qu'elle exporte également des biens de haute technologie dans un marché moins exigeant où elle pourra les tester. Il note également le déséquilibre du commerce sino-africain, dans le cadre duquel les matières première représentent 92% des importations chinoises. Ce déséquilibre est amplifié dans la mesure où ces exportations représentent 35% des exportations africaines vers le monde, mais seulement 2,5% des importations chinoises totales. Les seuls pays excédentaires avec la Chine sont les exportateurs de matières premières, les importateurs de produits chinois permettant à la Chine d'équilibrer sa balance commerciale avec le continent africain.

À côté du commerce de biens de consommation, Éric Nguyen aborde la question du commerce des armes, qui peuvent servir à équiper deux armées antagonistes, et peuvent également se retrouver aux mains de groupes rebelles. Ce commerce lucratif fait partie d'une coopération militaire plus vaste, allant d'une simple diplomatie militaire à une véritable coopération technologique, telle que celle évoquée à propos de la coopération nucléaire entre la Chine et l'Algérie, interrompue en 2005 par la signature entre Alger et Washington d'un traité de coopération dans le nucléaire civil. La vente d'armes se fait en échange de minerais et de pétrole selon l'auteur, participant encore une fois à la sécurisation de l'approvisionnement en matières premières.

L'Afrique représente de plus un marché pour les entreprises chinoises de travaux publics. Celles-ci l'emportent sur leurs concurrentes occidentales pour deux raisons : leurs coûts sont moindres de 50%, et les pays occidentaux ont peu à peu abandonné la construction d'infrastructures au profit du commerce de technologies. Les compagnies chinoises de BTP sont en outre aidées par les autorités chinoises, et les contrats remportés s'inscrivent dans le cadre de la quête pékinoise pour les matières premières. En effet, les entreprises sont rétribuées en matières premières, et leurs contrats sont parfois obtenus en contrepartie d'une aide liée versée par la Chine au pays bénéficiaire. Cette pratique maintenant abandonnée par les pays occidentaux confère un avantage certain à la Chine dans ce domaine. Enfin, les travaux réalisés servent au développement des activités économiques, et dans les pays pour lesquels la Chine est un des principaux partenaires, ces infrastructures sont réalisées afin de permettre aux Chinois un contrôle des matières premières de leur extraction à leur stockage puis à leur exportation; les infrastructures créées prévoient ainsi tout le parcours des matières premières à destination du marché chinois.

Parallèlement aux activités des entreprises chinoises en Afrique se développe une immigration de travailleurs chinois; ceux-ci appartiennent à trois catégories, les commerçants, les employés des entreprises chinoises, et les pêcheurs et agriculteurs. Pour tous, l'Afrique constitue un second choix, préférable cependant à la condition dont ils jouiraient en Chine. Ainsi, le salaire d'un ouvrier chinois serait en moyenne de 60 yuans en Chine contre 400 en Afrique. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'une fois leur contrat expiré, les ouvriers et les ingénieurs restent en Afrique pour ouvrir un commerce. Cette émigration hors de Chine serait d'ailleurs bien vue, voire encouragée, les contraintes pesant sur les ressources naturelles chinoises rendant plus menaçant le problème de la surpopulation. Pour autant, les relations entre Chinois et Africains sont mitigées, le plus grand reproche fait aux premiers étant celui de prendre les emplois locaux. La mixité est par ailleurs très mal vue du côté chinois.

L'Afrique : un multiplicateur de puissance pour Pékin sur la scène diplomatique

L'auteur rappelle dans cette quatrième partie que les relations sino-africaines ont également une dimension diplomatique et culturelle, et que tous ces aspects pris ensemble permettent de caractériser la manière dont la Chine entend faire du continent africain un tremplin pour sa puissance.

Sur le plan diplomatique, l'enjeu est tout d'abord d'isoler Taiwan, et les partenaires de la République populaire sont obligés de rompre tout lien avec Taiwan, de gré ou de force. Taiwan n'a pas les moyens financiers de concourir avec la République populaire, et dans le cas où un pays important aux yeux de la Chine refuse de céder par intérêt financier à ses demandes, celle-ci peut occasionnellement abandonner sa non-ingérence proclamée pour tenter un coup de force; c'est ce qui s'est notamment passé au Tchad en 2006, le risque de se voir déposer par des rebelles soutenus par la République populaire ayant convaincu Idriss Déby de changer ses alliances. Le groupe des pays africains alliés à la République populaire lui a permis par treize reprises de s'opposer à l'entrée de Taiwan à l'ONU.

À un autre niveau, la Chine tente de développer des liens culturels à travers la formation de techniciens africains en Chine, et par la promotion de l'apprentissage du chinois. L'anglais et le français demeurent toutefois les langues les plus apprises sur le continent.

La concurrence chinoise porte un coup dur aux relations franco-africaines. Les entreprises françaises se désengagent de plus en plus des secteurs liés à la construction d'infrastructures, mais Éric Nguyen note que ce peut être une occasion pour elles de se concentrer sur les activités de plus haute technologie. Le recul français n'en est pas moins visible, les troubles ayant eu lieu notamment en Côte d'Ivoire ayant contribué au déclin des communautés françaises résident sur le continent. L'influence française risque de connaître une érosion encore plus prononcée si ses intérêts en Afrique se trouvent mis sur le même plan que celui des autres pays de l'Union Européenne dans le cadre d'une politique concertée des vingt-sept, ce vers quoi l'on s'achemine peut-être.

Les raisons du succès de la Chine en Afrique

La Chine s'est donné les moyens d'une diplomatie à l'échelle de toute l'Afrique. Contrairement aux sommets réunissant Européens ou Américains et Africains, le Forum sur la coopération sino-africaine lancé en 2000 à l'initiative de Pékin est conçu pour impressionner observateurs et participants. Réunissant 48 représentants des États africains, il flatte ses invités en même temps qu'il met en scène l'importance d'une diplomatie engagée à l'échelle d'un continent. À l'occasion de ces sommets, Pékin annonce les objectifs à atteindre dans les trois prochaines années et revient sur les résultats obtenus depuis les trois derniers. La Chine crée ainsi un symbole de l'optimisme qu'elle affiche envers le développement à venir du continent africain. Contrairement aux images véhiculées en Occident d'un continent condamné à la misère et aux guerres, la Chine préfère manifester sa confiance dans des économies appelées à croître dans un futur proche.

Ce discours explique en partie l'attrait exercé par la Chine. Contrairement aux institutions multilatérales comme le FMI et la Banque mondiale, qui assortissent leur aide de règles contraignantes pour en assurer la bonne utilisation, la Chine décide ostensiblement de mener une politique "sans ficelles attachées", marquée par la non-ingérence dans les affaires intérieures de ses partenaires, et par l'absence de condamnation sur le non-respect des droits de l'homme; elle peut ainsi se retrouver à soutenir un gouvernement menant une guerre contre une partie de sa population, comme au Soudan, considérant que la légitimité d'un régime se mesure à son acceptation par la population et non par son adhésion à certains principes moraux.

En référence et par contraste à celle du FMI et de la Banque mondiale ("consensus de Washington"), l'attitude de la Chine est souvent étiquetée comme "consensus de Pékin". Celui-ci s'appuie sur des institutions financières dont la plus importante est la China Ex-Im Bank, qui s'occupent des crédits commerciaux et des prêts concessionnaires par lesquels la Chine aide ses partenaires africains à financer leurs grands travaux et l'achat de produits chinois. Ces institutions permettent à la Chine d'entreprendre sa propre diplomatie économique; elle se distingue de celle du FMI par le maintien de certaines pratiques désormais rejetées par les pays occidentaux. L'aide chinoise est toujours liée, et l'on estime à 70% la part de l'aide chinoise à l'Afrique dépensée en biens et services chinois. La Chine est également accusée de ré-endetter les pays venant de bénéficier d'une annulation de leur dette, tout en favorisant la corruption par le manque de moyens de contrôle des fonds alloués.

Enfin, la Chine bénéficie d'un mode de gestion de ses entreprises publiques, subventionnées par l'État et aidées pour l'obtention de contrats qui leur permettent d'être compétitives par rapport à leurs concurrentes; ces dernières sont également handicapées par la différence existant entre les pratiques chinoises, qui admettent la corruption, et la transparence budgétaire auxquelles elles-mêmes sont soumises.

L'exploitation de matières premières ne constitue que la face la plus visible de l'action chinoise en Afrique, dont les neuf cents entreprises établies en Afrique sont présentes dans de très nombreux secteurs, agriculture, ponts, hôpitaux, écoles, horticultures, routes en zone rurale, pour minimiser les risques en diversifiant leurs investissements. Les coopérations techniques, le prix modeste des travaux réalisés, et l'offre de packages (grappes de projets) constituent autant d'atouts pour la Chine à la conquête du marché africain. La présence d'acteurs à tous les niveaux, acteurs nationaux et régionaux, grandes entreprises d'État et PME privées, est ce qui donne de la profondeur aux investissements chinois, et fait d'eux un phénomène véritablement massif à l'échelle de l'Afrique.

Une présence chinoise de plus en plus contestée

Dans cette sixième partie, Éric Nguyen discute d'abord de la corruption et du ré-endettement des pays africains auprès de la Chine, puis il aborde le problème de la concurrence faite par les Chinois aux économies africaines. Il présente ainsi l'exemple du secteur textile, dans lequel les Chinois font des ravages, puisque même les batiks traditionnels sont remplacés par des tissus créés en Chine. Les Chinois installent par ailleurs leurs entreprises sur le sol africain, et bénéficient de ce fait des avantages réservés aux exportations africaines dans le cadre de l'African Growth Opportunity Act avec les États-Unis de l'Accord de partenariat économique signé avec l'UE. Ils bénéficient également de la proximité géographique avec les pays destinataires.

L'exploitation des matières premières soulève six types de problèmes:

  1. la spécialisation dans la production de matière première peut amener à la désindustrialisation des pays producteurs (syndrome hollandais). 
  2. les revenus ne profitent pas à l'ensemble de la population, mais à une "kleptocratie". 
  3. la dépendance à un client de poids constitue un danger pour les producteurs de matières premières. 
  4. l'exploitation des matières premières contribue à l'appréciation des devises des pays producteurs, dont les autres exportations deviennent moins compétitives. 
  5. la spécialisation dans l'exploitation de matières premières détourne une partie de l'économie de l'agriculture, ce qui peut renforcer la dépendance alimentaire. 
  6. l'exploitation de matières premières ne favorise pas à elle seule la création d'industries de transformation pour en faire des produits de plus haute valeur ajoutée.

De plus, le fait que la Chine importe exclusivement des produits non transformés constitue une entrave à la création de ces industries de transformation, ce qui suscite des mécontentements jusque chez certaines élites gouvernementales ou proches des gouvernements, notamment en Afrique du Sud. Les Chinois font de plus concurrence à leurs partenaires africains sur leur propre sol, avec des produits beaucoup moins chers, et de mauvaise qualité, que les commerçants locaux se mettent également à exporter pour rester concurrentiels. Les commerçants chinois sont en outre accusés de manœuvrer pour ne pas payer la TVA sur les produits qu'ils importent, afin de vendre moins cher. Les produits vendus peuvent par ailleurs être dangereux, n'étant pas soumis à de stricts contrôles de qualité. Toutes ces raisons provoquent du ressentiment à l'égard des Chinois, qui se manifeste occasionnellement de manière ouverte, l'exemple le plus célèbre étant celui de la Zambie où des travailleurs africains ont protesté contre le non-respect des normes de sécurité par leur employeur chinois. Ils sont parfois accusés de mener toutes sortes d'activités illégales, telles le proxénétisme ou la vente de drogues.

Toutefois, les avis sont contrastés. Les marchandises bon marché sont appréciées, l'humilité, le sérieux mis dans leur travail, font respecter les Chinois. En revanche, le fait que souvent aucun travailleur local ne soit employé dans les entreprises chinoises dans des pays où le chômage est très répandu attise la colère des habitants. Les méthodes de gestion du personnel africain par les Chinois dans les entreprises employant de la main-d’œuvre locale sont également peu appréciées, les travailleurs locaux se sentant méprisés et parfois maltraités (physiquement) par leurs contremaîtres.

En somme, les consommateurs africains apprécient les Chinois, mais les travailleurs dont l'activité est menacée par les Chinois expriment une forte aversion à leur égard.

La stratégie chinoise se caractérise parfois par une assez grande méconnaissance du terrain et des problèmes politiques locaux. Ainsi en témoignent les problèmes rencontrés au Niger avec les enlèvements d'ingénieurs et de directeurs d'usine chinois par la rébellion touareg, mais aussi les protestations soulevées par le soutien apporté par la Chine au Soudan malgré les crimes perpétrés au Darfour, ou encore au régime zimbabwéen de Robert Mugabe. Les objectifs poursuivis par la Chine semblent ainsi clairs, la quête de matières premières étant au premier plan des préoccupations chinoises, mais la stratégie poursuivie est nébuleuse, changeant avec les occasions qui se présentent, et ne prenant réellement en compte que les pays côtiers et ceux d'Afrique australe, les autres étant un peu marginalisés par Pékin. En outre, les entreprises chinoises sur le continent africain sont très polluantes, ce qui témoigne d'un faible souci de l'environnement des pays partenaires de la Chine.

Vers un rééquilibrage des rôles en Afrique

Éric Nguyen invite à relativiser l'importance de l'Afrique pour la Chine, notant que les 900 entreprises chinoises recensées sur le deuxième continent le plus peuplé ne tiennent pas la comparaison avec les 2 000 entreprises chinoises recensées à Singapour. L'Afrique reste encore marginale dans les importations chinoises. La Chine demeure simplement une alternative aux pays occidentaux, qui restent pour leur part les interlocuteurs les plus naturels aux yeux des Africains – pour toutes sortes de raisons historiques, culturelles, politiques, affectives. Les étudiants africains préfèrent encore étudier aux États-Unis ou en Europe qu'en Chine, et l'anglais et le français continuent à être plus enseignés que le chinois. Enfin, la Chine n'est pas la seule puissance émergente à s'intéresser à l'Afrique; son irruption sur le continent a favorisé un regain d'intérêt de l'Occident, et d'autres puissances moyen-orientales et asiatiques sont aussi très présentes.

Conclusion de l’ouvrage

Réussir à œuvrer au développement des pays africains à travers la coopération sino-africaine serait un succès de la politique chinoise. Alors que monte un ressentiment à l'égard des Chinois, il incomber au pouvoir de Pékin de faire en sorte que les relations sino-africaines permettent à la Chine de présenter son meilleur visage pour pouvoir l'emporter sur les pays occidentaux.


Éric Nguyen est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, titulaire d’une maîtrise de lettres modernes et d’un DEA en Relations internationales de la Sorbonne. Il a enseigné l’Histoire en classe préparatoire à l’Institut catholique de Paris. Il travaille actuellement dans un ministère tout en continuant à enseigner. Il a publié 200 fiches sur les hommes et Les événements du XXe siècle, La politique étrangère des États-Unis depuis 1945 et L’Asie géopolitique aux éditions Studyrama.