L’endettement des cinq pays africains que visite Qin Gang
Thierry Pairault

Le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, va entreprendre la traditionnelle tournée diplomatique en Afrique qui commence chaque nouvelle année depuis 1990 en remerciement aux pays africains qui ont (explicitement ou silencieusement) soutenu Pékin lors des massacres de Tiananmen.  C’est l’occasion de regarder l’endettement à l’égard de la Chine des cinq pays (Angola, Bénin, Égypte, Éthiopie et Gabon) qui seront visités.

Ce sont trois pays de la façade occidentale et deux de la façade orientale du continent, deux pays francophones, un lusophone, un arabophone et un « amarhicophone » (gage de l’indépendance a priori de l’Éthiopie). Deux pays ont un rôle potentiellement important le long de la route maritime de la soie (Égypte et Éthiopie), mais aussi politique fort (siège de la Ligue arabe et siège de l’Union africaine), un pays qui eût un temps un rôle important dans l’approvisionnement en hydrocarbures de la Chine (Angola), deux pays de moindre importance entretenant des relations plutôt chaleureuses avec la Chine (Bénin et Gabon).

Le tableau décrivant l’importance relative des créances chinoises a été calculé à partir de données converties en dollars constants aux prix de 2015 pour rendre les montants comparables tout au long de la période. La première période (1979-2000) se caractérise par un très faible rôle de la Chine dans l’endettement de ces pays, en revanche la seconde période (2001-2021) montre une participation beaucoup plus importante de la Chine au moins dans trois pays puisque la part des créances chinoises dans le total des créances non multilatérales (bilatérales et privées garanties) est respectivement de 48,0%, 36,3% et 30,9% pour l’Éthiopie, l’Angola et le Bénin. En revanche, le Gabon (14,8%) et surtout l’Égypte (2,9%) ont beaucoup moins eu recours aux prêts chinois.

 

La forme de cet endettement est également parlante. L’argument massue des responsables chinois, que ce soit Jin Zhongxia ou l’inénarrable ambassadeur chinois en France Lu Shaye, est de rejeter la responsabilité sur endettement africain sur les bailleurs privés occidentaux. Ils sont ici pris à leur propre piège statistico-discursif. Pour éviter d’apparaître comme un bailleur bilatéral prépondérant, la Chine a usé d’une possibilité offerte par la Banque mondiale pour classer comme bailleurs privés certaines de ses banques publiques sous tutelle centrale. Ce faisant, la Chine apparaît comme un de ces bailleurs privés qu’elle dénonce par ailleurs. Ainsi, l’endettement dramatique de l’Angola à l’égard de la Chine serait à plus des trois quarts dû à ces bailleurs « privés ». De même, pour l’Éthiopie, ces bailleurs « privés » seraient responsables de près d’un tiers de la dette à l’égard de la Chine.

En 2021, les endettements de chacun de ces cinq pays sont assez différents. Avec des créances bilatérales et privées très majoritaires (75%) dont plus de la moitié détenue (51%) par la Chine, l’Angola est très dépendant de la Chine. À l’opposé, l’Éthiopie, bien que 53% de ses dettes bilatérales et privées soient chinoises, elle beaucoup moins dépendante de la Chine puisque 72% de ces dettes sont multilatérales. L’Égypte continue à maintenir une très faible dépendance à l’égard de la Chine (4%). Les deux autres pays sont dans des positions intermédiaires.